7 novembre 2013 , le temps file et au bout de six jours de va-et-vient, de marche, de dialogue, il est temps de faire une pause. La fatigue s’empare de mes jambes, de ma bouche, de mes mains. Le remède est simple et efficace: une balade en voiture dans les montagnes. Celles du Rif. Un vent chaud et une odeur si propre à ces terres caressent les visages des passagers: mes proches. Le soleil accompagne cette journée. L’automne a décidé de faire une halte lui aussi laissant les rayons du soleil venir chauffer le vieux cuir de la vieille Mercedes-Benz 380 de mon oncle. Le kilométrage semble irréel, le temps n’a pas l’air d’avoir d’emprise sur le quatre roues. La route est presque déserte. Les montagnes défilent sous nos globes oculaires sans se ressembler. Elles ont mille couleurs comme si chacune d’elles racontaient une histoire. Les unes accueillent des milliers d’arbres formant une sorte de manteau d’un vert éclatant. Les autres sont presque nues, d’une couleur impossible à définir, tantôt beige, tantôt rouge vermillon surplombées de traînées blanches ici et là, à peine visible, fantomatiques. Regarder, contempler, scruter, se recharger dans le plus grand silence. Le chemin est aussi beau que le coin de paradis, presque secret, vers lequel nous nous dirigeons.

La crique de Chaabi

Direction: la crique de Ch’abi. J’ai cramponné une bonne paire de chaussures et pris une grande respiration. Je n’ai pas franchement l’habitude de descendre des pentes en montagne. Le bleu de l’océan se trouvant à quelques mètres sous les rochers est si pure que mon regard s’y noie prenant un temps d’avance sur tout le reste.

Arrivée au pied de la montage, un grand carré d’eau formé dans la roche accueille les baigneuses.  Les locaux appellent cet endroit « tahement » en amazigh une variante de hammam en français. En effet, de l’eau de source chaude ruisselle de la montagne, remplit cette baignoire naturelle avant de finir sa course dans la mer. À quelques pas, une autre baignoire plus petite fait également face à l’océan. Garder le silence et continuer à mirer l’horizon avec pour fond sonore l’arrivée de l’eau douce parcourant mon visage.

 «Tu n’as presque pas parlé de la journée mais tu n’arrêtes pas de sourire. Tu es bien là, non? demande ma tante.

— J’acquiesce de la tête, sans dire un mot.»

La crique est accessible à tour de rôle. Les femmes d’abord, de l’aube à la prière du début de l’après-midi, vers 14h. Ensuite les hommes descendent et y restent généralement jusqu’au coucher du soleil. Aucun mâle n’aborde l’endroit sans s’assurer au préalable que toutes les femmes soient remontées.

«Il y a encore quelqu’un en bas? lance un petit garçon accompagné de son papa.

  Non, tout le monde est remonté.

 Bismillah! rétorque son père tenant fermement son enfant par la main avant d’engager la descente.»

Une fois remontées, mon oncle me lance:

— Sardines?

— Sardines.

Quelques minutes de voiture plus tard, nous nous retrouvons sur une plage presque déserte où un petit restaurant de poissons est resté ouvert. À quelques mètres de là, au bord de l’eau, je me retrouve face à une dizaine de bateaux vides rangés les uns derrière les autres. Une sorte de garage à bateaux de pêche et pas un chat à l’horizon. À l’exception de deux hommes affairés à nettoyer leur gagne-pain. Je m’octroie quelques minutes de solitude d’une grande beauté.

Après avoir dégusté un succulent repas, il est temps de reprendre la route vers Nador. Le sourire aux lèvres, le cœur léger, les batteries rechargées par cette journée pour les yeux.