Débattre et choisir ses luttes de Vigo à Toledo et partout ailleurs

 

Je reprends la route, casque sur les oreilles, je me dirige vers mon point de rdv pour rejoindre Helena et son chat. Je quitte la Galice sous un temps pluvieux et lourd, légère et satisfaite d’avoir découvert une partie de cette magnifique région. Helena m’accueille dans sa voiture pour 5h de route. Cela fait longtemps que je n’ai pas fait un si long trajet en covoiturage. La petite boule de poils est posée à l’arrière, à moitié endormie.

  • Tu vas à Tolède, c’est ça ?
  • Oui, je m’arrête à Madrid car de là, c’est plus facile de trouver un transport pour Tolède. Il y a beaucoup de covoiturage.
  • Ne réserve pas tout de suite, on ne sait jamais avec le trafic, me conseille Helena.
  • Ok, je vais attendre qu’on soit plus proche pour réserver et je prendrai large. D’ailleurs, faut que je réserve ma nuit d’hôtel là-bas.
  • J’adorerais pouvoir voyager comme ça. Tu fais ça souvent ?
  • Non, pas vraiment. D’habitude, je rejoins des ami.e.s mais là j’avais besoin d’être totalement seule pendant quelques jours. Cela me permet d’apprécier ma propre compagnie, d’apprendre à me connaitre et à lâcher prise.
  • Bon, à savoir.

Helena et moi, faisons toutes les deux parties de familles nombreuses. Elle est la benjamine et moi la 5e de fratries de 7 enfants et évidemment toutes les deux des outsiders. Elle est la seule à ne pas habiter en Galice et vit avec la culpabilité de vivre loin de sa famille, de ne pas toujours pouvoir être présente. Ingénieur biochimiste, Helena a quitté la Galice pour sa carrière et y a finalement trouvé un compagnon qui l’attend, elle et son chat. Nous discutons beaucoup du dilemme entre rester ou partir et des objectifs derrière nos décisions entre deux bons sons sur Spotify. Elle conduit, j’ambiance, une très bonne collaboration. Helena me pose beaucoup de questions sur mes origines, mes croyances auxquelles je réponds comme je peux avec ma propre vision du monde. Avec le temps, je me suis lassée de ces conversations. Moi qui suis plutôt de nature pédagogue, j’ai appris à mettre des limites et à clore ce type d’échanges qui peuvent très vite se transformer en en analyse anthropologique ou en procès, des fois. Pleine de bonnes vibrations, je suis encline à partager sur les piliers de l’islam, sur la différence entre religions et traditions, sur le droit des femmes- parce qu’évidemment, on revient toujours là-dessus, sur tout un tas de questions auxquelles je n’ai pas répondu depuis longtemps, très longtemps, du genre :

  • Pourquoi, tu ne manges pas de porc ?
  • T’es musulmane, pourquoi tu ne portes pas de voile ?

Et j’en passe…

L’Espagne a connu 7 siècles de présence islamique et dispose d’un patrimoine culturel qui fait les beaux jours du tourisme espagnol dans la région andalouse par exemple où on l’on peut visiter des lieux chargés d’histoire comme la Mosquée-Cathédrale de Cordoue, l’Alhambra de Grenade, une multitude d’Alcazabas (forteresses) que l’on peut retrouver dans plein de villes d’Andalousie, d’Extrémadure et d’autres …

Des fois, je suis fatiguée de répéter la même histoire. Aujourd’hui, je choisis à qui je veux la raconter. Je fais le choix de répondre ou d’inviter les gens à aller sur Google. Le deuxième cas de figure arrive principalement lorsque ce sont des personnes qui me manquent clairement de respect, des personnes que je connais depuis des années et à qui j’ai raconté la même chanson à plusieurs reprises, dans ces cas-là, c’est pour moi, un manque d’intérêt ou encore à des personnes qui dégagent une mauvaise énergie. Informer est un don (de soi) et il est important de choisir à qui on offre cette énergie.

Entre deux sons, je scrolle sur Blabacar. Ouf ! Je suis soulagée, il y a une dizaine de trajets disponibles vers ma prochaine destination. Cela fait partie de ces endroits où l’on peut clairement sentir et voir les traces de cette histoire commune entre peuples du livre, un endroit où musulmans, chrétiens et juifs se sont croisés. Une musulmane et une catholique qui discutent de leur foi respective sur la route vers la belle Tolède, ça a du sens quelque part. J’aime débattre mais aujourd’hui, je choisis avec qui je le fais. Je choisis mes luttes.

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